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la vieille Salé à qui j’ai laissé son vrai nom, la paysanne à tête crochue, effroi de l’enfant abandonné qui rêvait d’elle dans ses nuits d’hôpital. C’est parfois une de mes faiblesses de garder leurs noms à mes modèles, de m’imaginer que le nom transformé ôte de leur intégrité à des créations qui sont presque toujours des réminiscences de la vie, des fantômes fatigants, hantants, et seulement apaisés lorsque je les fixe dans mon œuvre, aussi ressemblants que possible.

Tous ces dessous bien établis, mes gens debout, mes chapitres en place, je me mis à l’œuvre. C’était toujours dans le grand cabinet de travail — aux deux larges et hautes fenêtres — du palais Lamoignon. Lisez les premières pages du chapitre intitulé Jack en ménage, vous aurez l’horizon de maisons ouvrières, de toitures de zinc, de hautes cheminées d’usine consolidées de longs cordages de fer, que mes yeux, lorsqu’ils se