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en pierres rouges où elle s’était traînée aux heures de maladie et d’abandon.

« Quel beau livre à faire ! » me dit Droz, très ému.

Dès ce jour, laissant de côté le Nabab, que j’étais en train de bâtir, je partis sur cette nouvelle piste avec une hâte, une fièvre, ce frémissement du bout des doigts qui me prend au début et à la fin de tous mes livres. En comparant l’histoire de Raoul et le roman de Jack, il est aisé de démêler le vrai et ce qui est d’invention, ou du moins — car j’invente peu — ce qui m’est venu d’ailleurs. Raoul n’a pas vécu à Indret, il n’a pas été chauffeur. Pourtant il m’a souvent raconté qu’au Havre, pendant son apprentissage, le voisinage de la mer, l’air voyageur où vibraient les cris des matelots, les coups de marteau du bassin de radoub, lui donnaient parfois envie de s’embarquer, d’accompagner dans ses courses autour du monde une des formidables machines que la maison Mazeline fabriquait.

Tout l’épisode d’Indret est imaginaire. Il me fallait un grand centre ouvrier du fer ;