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vahi par le commerce et l’article Paris, avec ses maisons à boutiques, du haut en bas bariolées d’enseignes, les échantillons étalés, les cadres accrochés au coin des portes : Plumes et fleurs, bijoux en faux, fafiots et paillons, perles soufflées ; des métiers à tous les étages, un bruit continu de travail tombant des fenêtres dans la rue ; des camions qu’on charge, des paquets qu’on ficelle, des commis courant plume sur l’oreille ; une ouvrière en sarrau qui passe, gardant des rognures d’or dans les cheveux ; et, de loin en loin, quelque riche hôtel transformé en magasins de dépôt, dont le blason et les sculptures reportent votre pensée à deux siècles et font rêver de valets enrichis, de financiers cousus d’or, du comte de Horn, du régent, de Law, du Mississipi, du Système, de l’époque enfin où, dans ces rues aujourd’hui commerçantes et bourgeoises, montaient et descendaient d’heure en heure les plus invraisemblables fortunes, au flux de fièvre et d’or sortant avec une impassibilité de marée de cette étroite fente puante, toute voisine, qui s’appelle encore la rue