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Certes, je conviens qu’il y avait autre chose à écrire sur la France algérienne que les Aventures de Tartarin ; par exemple une étude de mœurs cruelle et vraie, l’observation d’un pays neuf aux confins de deux races et de deux civilisations, avec leur action réflexe, le conquérant conquis à son tour par le climat, par les mœurs molles, l’incurie, la pourriture d’Orient, matraque et chapardage, l’algérien Doineau et l’algérien Bazaine, ces deux parfaits, produits du bureau arabe. Que de révélations à faire sur la misère de ces mœurs d’avant-garde, l’histoire d’un colon, la fondation d’une ville au milieu des rivalités de trois pouvoirs en présence, armée, administration, magistrature. Au lieu de tout cela je n’ai rien rapporté que Tartarin, un éclat de rire, une galéjade.

C’est vrai que nous faisions, mon compagnon et moi, un beau couple de jobards, débarquant en ceinture rouge et chéchia flamboyante dans cette brave ville d’Alger où il n’y avait guère que nous deux de Teurs. De quel air recueilli, convaincu, Tartarin