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petit peu bête, la phrase ! Mais, ce jour-là, elle me parut charmante.

Un bon méridional ne jouit pleinement de son émotion que s’il la fait partager à d’autres. J’admirais Buisson : il fallait qu’on l’admirât. Me voilà donc lancé à travers Paris, promenant mon tambourinaire, le présentant comme un phénomène, recrutant des amis, organisant une soirée chez moi. Buisson joua, raconta ses luttes, dit encore : « Ce m’est vénu… » Décidément il affectionnait cette phrase, et mes amis firent semblant de s’en retourner émerveillés.

Ceci n’était que le premier pas. J’avais une pièce en répétition au théâtre de l’Ambigu, une pièce provençale ! Je parlai de Buisson, de son tambourin, de son galoubet, à Hostein, alors directeur, vous devinez avec quelle éloquence ! Huit jours durant je le chauffai. À la fin il me dit :

— Si nous mettions votre tambourinaire dans la pièce ? Il manque un clou, ça pourrait peut-être servir à accrocher le succès.

Je suis sûr que le Provençal n’en dormit point. Le lendemain, nous montions tous