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rose.

Oui… cette espèce de bohémien, ce gardien de chevaux… Cela t’a fait du mal, de le voir… n’est-ce pas ?

frédéri.

Bah ! Ç’a été un moment, une folie… Et puis, tiens ! je t’en prie, ne me fais pas parler de ces choses… J’aurais peur de te salir en remuant toute cette boue devant toi.

rose.

Allons donc ! est-ce que les mères n’ont pas le droit d’aller partout sans se salir, de tout demander, de tout savoir ?… Voyons, parle-moi, mon enfant. Ouvre-moi bien ton cœur. Il me semble que, si tu me parlais un peu seulement, moi, j’en aurais si long à te dire… tu ne veux pas ?

frédéri, doux et triste.

Non, je t’en prie. Laissons ça tranquille.

rose.

Alors, viens… descendons…

frédéri.

Pour quoi faire ?

rose.

Ah ! je suis peut-être folle, mais je trouve que tu as un mauvais regard, cette nuit. Je ne veux pas que tu restes seul… viens aux lumières, viens… D’abord, tous les ans, pour Saint-Éloi, tu me fais faire un tour de farandole. Cette année, tu n’y as pas pensé. Allons, viens. J’ai envie de danser, moi… (Avec un sanglot.) J’ai bien envie de pleurer aussi.