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vivette.

Te rappelles-tu quand la grand’mère Renaud nous emmenait cueillir du vermillon du côté de Montmajour ? je t’aimais déjà, dans ce temps-là ; et lorsque, en fouillant les chênes nains, nos doigts se mêlaient sous les feuilles, je ne te disais rien, mais je me sentais frémir toute… Il y a dix ans de ça… ainsi, tu penses. (Silence.)

frédéri.

C’est un grand malheur pour toi que cet amour te soit venu, Vivette… Moi, je ne t’aime pas.

vivette.

Oh ! je le sais bien. Ce n’est pas d’aujourd’hui. Déjà au temps dont je te parle, tu commençais à ne pas m’aimer. Quand je te donnais quelque chose, toujours tu le donnais aux autres.

frédéri.

Eh bien ! alors, qu’est-ce que tu veux de moi ? Puisque tu sais que je ne t’aime pas, que je ne t’aimerai jamais.

vivette.

Tu ne m’aimeras jamais, n’est-ce pas ? C’est bien ce que je disais… mais, écoute, ce n’est pas ma faute, c’est ta mère qui l’a voulu.

frédéri.

Voilà donc ce que vous complotiez ensemble tout à l’heure.

vivette.

Elle t’aime tant, ta mère !… Elle est si malheu-