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madame jourdeuil.

Pourtant, quand on est mère, comme on se fait des idées… Figure-toi que, la nuit dernière, en ruminant toute seule dans ma tête, cette pensée m’est venue tout à coup que tes affaires allaient très mal et que c’était pour ne pas nous tourmenter que depuis quelque temps tu nous cachais ta vie.

henri.

En voilà une idée !…

madame jourdeuil.

Tu sais comme la cervelle trotte quand on est couché ?… J’avais déjà fait mon plan ; je disais : « Voilà ! nous rentrerons à Paris, Louise donnera des leçons ; moi, je reprendrai mes broderies. »

henri.

Tais-toi, tu me fais frémir.

madame jourdeuil.

Pourquoi ? Tout cela n’est pas bien effrayant, je t’assure.

henri.

Mais, enfin, nous n’en sommes pas là… Est-ce que j’ai l’air d’être malheureux ?… Tiens ! regarde… (Il montre l’atelier.)

madame jourdeuil.

Oh ! je l’ai bien vu, va !… Aussi, tout de suite, mes idées noires de cette nuit se sont envolées… Comme il est beau, ton atelier ! C’est égal, j’aimais encore mieux l’ancien.