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Faire un si grand voyage ;
Dieu te protégera
Toi et ton équipage.

(À mesure qu’il chante, la porte du fond s’ouvre. Louise s’avance doucement.)

Écoutez, cela me parut si touchant, cette petite galiote partant pour le grand voyage et donnant son cœur à Dieu avant de partir, que les larmes m’en vinrent aux yeux. Puis, je ne sais pas. Ce port plein de soleil, ce grand Rhône courant vers la mer, ces hommes qui chantaient, et, à mesure, la belle voile rousse, avide d’aventures, qui grimpait le long du mât et s’ouvrait au vent comme une aile, tout cela était si grisant, si entraînant, que j’en eus comme un frisson dans le cœur, et je criai bien fort à la petite galiote : Té ! attends-moi, petite, attends-moi, je pars avec toi.

madame jourdeuil.

Et vous êtes parti ?

franqueyrol.

Je crois bien, que je suis parti ! j’ai même été si content de mon voyage, qu’en arrivant dans l’Brézi j’ai acheté la galiote, et voilà quinze ans que je cours le monde à cheval sur ce petit oiseau.

le père jourdeuil.

Superbe, mes enfants, superbe !…

louise.

Et où l’avez-vous laissée, maintenant, la petite galiote ?