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madame jourdeuil.

Ne riez pas. Ce que j’ai à vous dire est très sérieux. Il s’agit de votre ami.

franqueyrol.

D’Henri ?

madame jourdeuil.

Oui, d’Henri, qui m’inquiète beaucoup.

franqueyrol.

Bah ! qu’est-ce qu’il lui arrive donc ?

madame jourdeuil, avec un soupir.

Ah ! je ne sais pas ce qui lui arrive, mais ce qu’il y a de sûr, c’est que depuis quatre ou cinq mois, mon enfant n’est plus le même. D’abord, au lieu de venir nous voir plusieurs fois dans la semaine, comme il faisait, il ne vient plus qu’une fois, et encore en retard, vous voyez.

franqueyrol.

C’est qu’il travaille beaucoup, sans doute.

madame jourdeuil.

Oui, je veux bien. Mais quand il est ici, pourquoi a-t-il l’air si triste ? pourquoi ne mange-t-il pas ?… Car, c’est un fait, il ne mange pas. Autrefois, il était gai, confiant, il nous parlait toujours de ses projets, de ses travaux… Maintenant, rien. Et puis, si vous voyiez comme il nous arrive toujours fiévreux, les yeux creusés, les mains brûlantes… Je suis sûre qu’il y a dans la vie de notre enfant quelque grand malheur, qu’il ne veut pas ou ne peut pas nous dire.