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louise, souriant.

Henri est un grand artiste, lui aussi, mais s’il faisait comme mon père, s’il passait tout son temps chez les marchands de bric-à-brac de Versailles à chercher des assiettes à fleurs et des moutardiers Louis XV, je ne sais pas ce que nous deviendrions.

madame jourdeuil, très émue.

Voilà de mauvaises paroles, Louise, et qui me font beaucoup de peine. Ce n’est pas ainsi que tu devrais parler de ton père. Pauvre homme ! Lui qui est si bon, qui nous aime tant… non ! Vrai…

louise, posant sa crème et s’agenouillant près de sa mère.

Tiens ! je suis bête… gronde-moi… que veux-tu ? quand je te vois de l’ennui, je deviens méchante. (Bruit de roues, grelots, bouquin d’omnibus.) Ah ! l’omnibus, Henri n’est pas loin. (Elle se relève.)

madame jourdeuil.

Ah ! mon Dieu ! et mes yeux qui sont tout rouges…

louise.

Tu as ton livre, cache-toi derrière.

madame jourdeuil, reprenant son registre.

Tu as raison.

louise.

Du reste, attends, je vais faire une habile diversion avec ma crème. (Elle va chercher son plat. On sonne.) Entre donc ! la clef est sur la porte. (On entend grincer la clef dans la serrure, maladroitement.)