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donné des leçons, mais ici c’est impossible. Les paysans de Ville-d’Avray ne me trouveraient pas assez huppée pour leurs demoiselles. Il leur faut les premiers pensionnats de Paris, le Sacré-Cœur, les Oiseaux… Tiens, encore ce matin, la mère Gogue, notre laitière, me disait tranquillement : « J’ons envie d’envoyer Phrasie aux Moigneaux !… » Que veux-tu que je fasse de mes diplômes, avec ces Moigneaux-là !

madame jourdeuil, souriant.

Je vois que tu lui tiens rancune, à ce pauvre Ville-d’Avray.

louise.

Moi ?… pas du tout ; seulement, je continue à me demander ce que nous y sommes venus faire.

madame jourdeuil.

Mais, mon enfant, tu le sais bien, c’est pour ton père. Il avait besoin de la campagne pour sa santé, pour son travail.

louise.

Pour sa santé, peut-être, mais pour son travail… Je ne sais pas, moi ; (bas) mais il me semble que mon père ne fait guère plus de peinture ici qu’à Paris.

madame jourdeuil.

Hé ! ma fille, ton père est un grand artiste. Ces hommes-là ne sont pas à la tâche comme des manœuvres. Pour travailler, il leur faut l’inspiration, qu’est-ce que tu veux ?