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air du terroir, ni aubade, ni farandole. Son répertoire se composait exactement de l’ouverture du Cheval de Bronze, du Carnaval de Venise, et des Pantéïns de Violette, le tout brillamment exécuté, mais manquant un peu d’accent pour un tambourinaire garanti par Mistral. Je lui appris quelques noëls de Saboly, Saint José m’a dit, Ture-lure-lure le coq chante, puis les Pêcheurs de Cassis, les Filles d’Avignon, et la Marche des Rois que Bizet, quelques années plus tard, orchestrait si merveilleusement pour notre Arlésienne. Buisson, assez adroit musicien, notait les motifs à mesure, les répétait jour et nuit dans son garni de la rue Bergère, au grand émoi de ses voisins que cette musique sûrette et bourdonnante exaspérait. Une fois stylé, je le lâchai par la ville, où son français bizarre, son teint d’Éthiopie, d’épais sourcils noirs, aussi rejoints et drus que ses moustaches, en plus son répertoire exotique, trompèrent jusqu’aux méridionaux de Paris, qui le crurent un vrai tambourinaire, sans que cela fît rien, hélas ! pour son succès.

Fourni tel quel par la nature, le type me