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lures vertes que l’eau déroule et dilate, mais qui s’amassent pour le moment en lourds paquets gluants sur lesquels le pied manque à chaque pas. Enfin, après bien des efforts, nous nous hissons sur les hautes falaises dominant tout l’horizon d’alentour.

Par ce temps clair qui rapproche les côtes, le coup d’œil est admirable. Voici le clocher du Croisic, celui du Bourg-de-Batz à dix ou douze lieues de mer, et toute la dentelure du Morbihan, Saint-Gildas-de-Rhuiz, les rivières de Vannes et d’Auray, Locmariaquer, Plouharmel, Carnac, le Bourg-de-Quiberon et les petits hameaux qu’il éparpille tout le long de la presqu’île. Du côté opposé, la ligne sombre de Belle-Isle se prolonge vers la mer sauvage, et les maisons du Palais reluisent dans une éclaircie. Mais si la perspective des alentours s’est agrandie, celle de Houat est à cette heure tout à fait perdue pour nous. Le clocher, le fort, le moulin, tout a disparu dans les plis d’un terrain houleux et tourmenté comme le flot qui l’entoure. Nous nous dirigeons cependant vers le village par un