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chez des paysans qu’elles n’ont jamais vus ? La plupart meurent. Ceux qui survivent reviennent à l’état d’affreux monstres que leurs parents ne reconnaissent pas, aux allures rustiques de petits hommes à grosse voix et parlant des patois barbares.

Je me rappelle qu’un jour, me trouvant en province, dans le Midi, des amis me proposèrent une excursion au Pont du Gard. Il s’agissait d’un déjeuner champêtre sur les galets de la rivière, à l’ombre des ruines. Justement « le petit » était en nourrice de ces côtés, et nous devions le voir en passant. Grande partie, on invite des voisins, on loue un omnibus, et fouette dans le vent, le soleil, la poussière aveuglante et brûlante. Au bout d’une heure, en haut d’une côte, nous apercevons de loin, au milieu du chemin blanc comme la neige, une tache brune. La tache grandit, se rapproche. C’était la nourrice, prévenue, qui nous guettait. L’omnibus s’arrêta, on passa par la portière le petit qui piaulait.

« Comme il est beau !… Comme il vous ressemble !… Et autrement, il va bien, nour-