Page:Daudet - Souvenirs d’un homme de lettres, 1889.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des réalités de la vie. Dans un temps où je rêvais beaucoup, j’avais pris l’habitude d’écrire mes rêves, au matin, en les accompagnant de notes explicatives : « Fait ceci la veille… dit cela… rencontré un tel. » Eh bien ! je pourrais au bas des Rois en exil mettre des notes de ce genre. À la suite du chapitre de la foire aux pains d’épices, où Méraut porte sur ses épaules le petit roi qui a peur, j’écrirais : « Hier, visite à la rue Herbillon. — Couru les bois de Saint-Mandé avec un de mes enfants. — Dimanche de Pâques. — Bruits de fête. — Nous voilà dans la foule, remuante, houleuse. — Le petit a peur. Je le prends sur mon dos pour quitter le champ de foire. » Ailleurs, à la fin du chapitre sur le bal héroïque à l’hôtel de Rosen, je noterais que, un jour, à l’exposition de 78, écoutant la musique tzigane en buvant du tokai, les vibrations du cymbalum m’ont rappelé un bal polonais chez la comtesse Chodsko, bal de départ et d’adieu, donné en l’honneur de ces jeunes gens dont beaucoup ne devaient pas revenir. Et puis, quand on porte un livre,