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temps et des courses sans nombre, mettre en route toutes mes relations de vieux Parisien du haut en bas de l’échelle sociale, depuis le tapissier qui meublait l’hôtel royal de la rue de Presbourg jusqu’au grand seigneur diplomate invité comme témoin à l’abdication de la reine Isabelle, — happer au vol la confidence mondaine, feuilleter des notes de police et des devis de fournisseurs ; puis, quand j’eus touché le fond de toutes ces existences de monarques, constaté les fières détresses, les dévouements héroïques à côté des manies, des décrépitudes, des fêlures à l’honneur et des consciences lézardées, je laissai de côté mon enquête, je n’en gardai que des détails typiques empruntés çà et là, des traits de mœurs, de mise en scène, et l’atmosphère générale où mon drame devait se mouvoir.

Pourtant, par une faiblesse dont j’ai fait déjà l’aveu, ce besoin de réalité qui m’opprime et m’oblige à toujours laisser l’étiquette de la vie au bas de mes inventions le plus soigneusement démarquées, après avoir installé d’abord mon ménage royal rue de