Page:Daudet - Sapho, 1884.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas ainsi, le relancerait, s’acharnerait jusqu’à la porte de son hôtel, de son bureau. Non, mieux vaudrait l’attaquer de face, la convaincre de l’irrévocable, du définitif de cette rupture, et sans colère comme sans pitié, lui en énumérer les causes.

Mais avec ces réflexions, une peur lui revint du suicide d’Alice Doré. Il y avait devant chez eux, de l’autre côté du pavé, une ruelle en pente conduisant à la voie et fermée d’une barrière ; les voisins prenaient par là, les jours de presse, pour suivre les rails jusqu’à la gare. Et l’imagination du Méridional voyait, après leur scène de rupture, sa maîtresse s’échapper sur la route, joindre la traverse, se jeter sous les roues du train qui l’emportait. Cette crainte l’obsédait au point que la seule pensée de cette barrière battante, entre deux murs chargés de lierre, lui faisait reculer l’explication.

Encore s’il avait eu là un ami, quelqu’un pour la garder, l’assister à cette première crise ; mais, terrés dans leur collage comme des marmottes, ils ne connaissaient personne, et ce n’était pas les Hettéma, ces monstrueux