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on l’appelait quelquefois ainsi à cause de ses moustaches –, ce n’est pas tout à fait la même chose… je suis d’une autre promotion…

— Caoudal oublie toujours qu’il est un ancêtre, dit La Gournerie ; et sur un mouvement du sculpteur qu’il savait toucher au vif : Médaillé de 1840, cria-t-il de sa voix stridente, c’est une date, mon bon !…

Il restait entre ces deux anciens amis un ton agressif, une sourde antipathie qui ne les avait jamais séparés, mais éclatait dans leurs regards, leurs moindres paroles, et cela depuis vingt ans, du jour où le poète enlevait sa maîtresse au sculpteur. Fanny ne comptait plus pour eux, ils avaient l’un et l’autre couru d’autres joies, d’autres déboires, mais la rancune subsistait, creusée plus profonde avec les années.

— Regardez-nous donc tous les deux, et dites franchement si c’est moi qui suis l’ancêtre !…

Serré dans le veston qui faisait saillir ses muscles, Caoudal se campait debout, la poitrine cambrée, secouant sa crinière flamboyante où ne se voyait pas un poil blanc :