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caresses. Il eut peur de lui-même, s’échappa pour son bureau, et tout en marchant il s’indignait contre cette vie qu’il s’était faite. Ça lui apprendrait à se livrer à une pareille femme !… Que d’infamies, que d’horreurs !… Ses sœurs, sa mère, il y en avait eu pour tout le monde… Quoi ! pas même le droit d’aller voir les siens. Mais dans quel bagne s’était-il donc enfermé ? Et toute l’histoire de leur liaison lui apparaissant, il voyait comment les beaux bras nus de l’Egyptienne, noués à son cou le soir du bal, s’étaient cramponnés despotes et forts, l’isolant de ses amis, de sa famille. Maintenant, sa résolution était prise. Le soir même et, coûte que coûte, il partirait pour Castelet.

Quelques affaires expédiées, son congé obtenu au ministère, il revint chez lui de bonne heure, s’attendant à une scène terrible, prêt à tout, même à la rupture. Mais le bonjour bien doux que Fanny lui dit tout de suite, ses yeux gros, ses joues comme amollies de larmes, lui laissèrent à peine le courage d’une volonté.

— Je pars ce soir… fit-il en se raidissant.