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ROSE ET NINETTE

désir de rester plus longtemps ensemble le dernier soir, car il partait le lendemain, à une heure, par le Général-Sebastiani.

« Quel mauvais temps tu vas avoir ! » dit Rose toute frissonnante.

Mais la jeune sœur ne voulait pas qu’on s’attendrît :

« Qui sait ?… d’ici demain… » Et sautant au bras de son père : « Galopons un peu… Avec ce mistral on ne peut pas rester en place. »

La tempête la grisait. Elle forçait son père et sa sœur à courir comme elle tête au vent, riait des embruns qui l’éclaboussaient ; puis, s’arrêtant tout à coup :

« N’allons pas trop loin, tu sais, Rose, il faut rentrer de bonne heure. »

Fagan s’inquiétait :

« De bonne heure, et pourquoi ?

— Notre charade que nous répétons… généralement… en costumes. C’est demain notre première. »

Il lui vint une bouffée de colère, bientôt rentrée, contenue, parce qu’il voulait laisser à ses filles un souvenir tendre, sans alliage. Il balbutia seulement, tout navré :

« Ce n’est pas gentil, juste le dernier soir… »

Rose dit ;

« Pauvre père ! »

Et Ninette :

« Écoute donc, nous sommes arrivées avant