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ROSE ET NINETTE

Volontairement très calme, la mère continuait à lire, à lire en s’éventant, et pourtant il n’y en avait pas bien long :

« J’attends à l’hôtel de France, place du Diamant, que mes filles viennent embrasser leur père. Si je ne les vois pas avant une demi-heure, j’irai les chercher moi-même, à la préfecture.

« Régis de Fagan. »

Un « Que faire ? » anéanti passa sur les lèvres au carmin de la préfète. En même temps, Rose murmurait :

« Pauvre papa…

— Je t’engage à le plaindre ! » dit la mère sur un ton de haine strident qui arrêta net au passage La Posterolle sorti du petit salon pour aller au-devant de l’amiral annoncé. Il lut le billet par-dessus l’épaule de sa femme, et, gardant son beau sang-froid d’administrateur, à peine un léger énervement au bout des longs doigts pâles qui caressaient ses favoris, il commanda à mi-voix :

« Que Mademoiselle les conduise bien vite, le plus discrètement possible. Pour ce qu’elles ont à dire, vous le savez aussi bien que moi ; la présence de M. de Fagan à Ajaccio nous rend la situation intolérable. »

Comme il achevait, chapeaux brodés et ga-