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ROSE ET NINETTE

d’où son indignation à partager la même loge.

Encore un dimanche gâté, un de ces bons dimanches où le père apportait des friandises de tous les coins de Paris, se rappelait des menus de soupers fins pour fêter ses filles, et fleurissait la table de bouquets rares en même temps qu’il l’amusait d’une coquetterie d’esprit et de parole à l’adresse des chères petites qu’on lui laissait si peu connaître.

Cette fois, il leur en voulait, et sa rancune si extraordinaire semblait justifier les calomnies de Mme  Ravaut. Fallait-il que sa voisine eût pris du pouvoir sur ce père, si vite soumis et conquis d’habitude ! Lui regardait les délicieuses toilettes encadrant de furieuses petites moues ; il se rappelait ses nombreux sacrifices, surtout le dernier, cette augmentation de rente accordée sans calcul. Et en même temps montait du jardin le grincement de la petite voiture sur le sable, avec la voix de cette douce et parfaite Pauline Hulin, dont il connaissait les transes, les détresses, et envers qui ses filles se montraient si cruelles.

Pour la première fois depuis l’institution des dimanches de quinzaine, Régis et ses enfants ne sachant comment finir leur journée ensemble, Anthyme reconduisait Rose et Ninette en voiture, avant l’heure convenue.

« Voulez-vous de moi pour dîner ? » demanda le pauvre père à Mme  Hulin ; et, quand il eut