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ROSE ET NINETTE

Mme Hulin en se forçant à sourire. Passez les détails : je suis renseignée.

— Pas complètement ; les journaux n’ont pas tout raconté. La pauvre Amy Férat, bien entendu, ne se doutait pas du réveil qui l’attendait ; et, si peu rosière qu’elle fût, je m’en voulais un rien de la mêler à cette ennuyeuse affaire dont tout Paris s’occuperait. Voici qu’au brusque et matinal coup de poing frappé dans notre porte avec le « ouvrez, au nom de la loi, » elle se dresse épouvantée : « Mon mari !… nous sommes perdus ! — Comment ça, votre mari ? — Oui, je suis mariée : pardon de ne vous l’avoir pas dit… Sauvez-vous, cachez-vous. » Ma foi, j’ai passé là quelques mauvaises minutes, à ignorer s’il s’agissait de mon adultère ou du sien. Heureusement, mon incertitude ne dura pas. En conséquence de cette aventure, je fus condamné à servir à Mme de Fagan une mensualité de quinze cents francs et à lui laisser mes filles, sous condition qu’elles passeraient tous les quinze jours un dimanche avec moi. C’est peu ; mais je suis convaincu que la mère avant longtemps adoucira cette dernière clause et m’enverra mes filles plus souvent, à mesure qu’elles grandiront et chaque fois qu’elle voudra s’en débarrasser.

— Ne me parlez plus du divorce… C’est une farce indigne ! et Mme Hulin déposa son ou-