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LE TRÉSOR d’ARLATAN

cocardes arrachées aux taureaux les plus en renom. Ma dernière, tenez, je l’ai gagnée aux arènes d’Arles, il y aura juste dix ans le dimanche qui vient, prise aux cornes d’un Espagnol, un grand rouge enragé qui avait étripé des centaines de chrétiens. Ah ! le bâtard, je lui ai fait voir le tour comme il a voulu, autant qu’il a voulu, à la landaise et à la provençale, au raset et à l’écart ; je l’ai sauté à la perche, en long et en large, puis arrapè par ses deux longues cornes, et d’un coup de flanc, zou ! les quatre fers en l’air dans le rond. Il s’appelait Musulman. »

En parlant, le gardien s’était levé et soulignait son histoire d’une mimique théâtrale. Danjou, toujours assis et préoccupé de son enquête, s’ingéniait à prolonger l’entretien.

« C’est singulier, maître Arlatan, tous les conducteurs de manades que je rencontre portent sur le front, sur les joues, quelque trace de coups de corne. Et vous, rien ? »

Arlatan se redressa :

« Rien sur la figure, jeune homme. Mais le corps, si je vous le montrais… J’ai là, sur le côté droit, un souvenir de Musulman, une estafilade d’un pan de large… C’est une de vos Parisiennes qui me l’a recousue… le même soir, » ajouta-t-il en clignant ses yeux fats.

Danjou tressaillit :

« Une Parisienne ?