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LE TRÉSOR d’ARLATAN

Dieu !…Ça m’a donc rendue folle d’avoir vu Naïs dans cet état ? Car enfin je ne vous connais pas, moi… Pourquoi est-ce que je vous découvre ainsi toute ma honte, moi qui n’en ai jamais parlé à personne, pas même à Charlon, qui m’aime tant ?… »

Il se pencha vers elle, et, son regard appuyé sur les yeux de l’enfant, qui essayaient de fuir les siens :

« Écoute, Zia. Si tu me racontes ton mal sans me connaître, avec cette confiance, c’est peut-être que j’ai un peu du même mal, une vilaine image au fond de mon cœur, au fond de mes yeux, moi aussi, dont je cherche à me délivrer par tous les moyens. Voilà pourquoi je suis venu si loin, en Camargue, au désert… pour me distraire, pour oublier. Et depuis que je suis ici sais-tu ce qui m’a fait le plus de bien ? Regarde là-haut, sur la cheminée… Ce sont vos poètes de Provence, les félibres, comme ils s’appellent. L’autre matin, je te voyais en feuilleter un devant ma porte…Pourquoi rougis-tu ? Les histoires que ces félibres nous racontent sont toujours très pures, très belles. As-tu lu Mireille ?…

— Non, monsieur Henri. Naïs, dans le temps, me l’avait défendu. Pas moins, un soir que j’étais à la Cabane, Charlon se trouvant à l’espère avec ces messieurs, le livre que vous dites m’est tombé sous la main… Je n’ai pas