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LE TRÉSOR d’ARLATAN

Ouvrant son fichu d’un geste emporté, l’enfant tirait de sa poitrine un petit scapulaire en drap bleu, pâli, décoloré, qu’elle baisait avec frénésie. Puis se levant, l’air égaré, les yeux grandis, ses beaux yeux bruns qui verdissaient sous les larmes :

« Non, jamais je n’ai fait le mal. Seulement, j’ai un malheur… Je vois des choses… oh ! des choses… c’est affreux…Ça me prend dès que je ferme les yeux et même si je les garde ouverts… des choses défendues qui me poursuivent, qui me brûlent… C’est pour ça que le prêtre n’a pas voulu que je communie.

— Pauvre petite… murmura Danjou, tout troublé de rencontrer au désert cette détresse d’âme, voisine de la sienne.

— Oh ! oui, pauvre petite, on peut le dire… Ce que je souffre depuis deux ans… Ce que j’ai fait pour arracher ces horreurs de ma vue… À présent, c’est fini, je le sens bien, je n’ai plus rien à espérer… Mes yeux n’auront le repos qu’au fond du Vacarès. »

Elle s’arrêta pour écouter des cris, des appels dans la direction du mas.

« Désirez-vous retourner près de votre sœur ? » proposa Danjou doucement.

L’enfant ne voulait pas, elle craignait d’arriver avant le médecin, de trouver sa sœur toujours comme une morte… D’ailleurs grand’-