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LE TRÉSOR d’ARLATAN

Toute la semaine, Danjou vécut de ces journées animales et violentes qui brisaient ses muscles, apaisaient ses nerfs, lui donnaient des nuits d’un sommeil opaque où le souvenir de sa maîtresse ne parvint pas une fois à se glisser. Il en riait tout seul, songeant au vieux Tim et à ses prédictions. Le désert lui réussissait jusqu’à présent.

Un soir que le garde lui avait donné rendez-vous au grand étang de Chartrouse pour l’affût de six heures, le Franciot, arrivé d’avance, s’était installé en plein clar, sur un îlot de tamaris, un coin de terre sèche juste assez large pour l’abriter, lui et son chien, un énorme molosse des Pyrénées, à lourde toison rousse. La nuit vint presque aussitôt, froide et silencieuse, le vent et le soleil disparus en même temps. Il restait sur l’étang un peu de lumière qui, un moment, éclairait le ciel puis s’en allait, s’enfonçait, laissant à peine entrevoir une touffe d’herbe, une poule volant au ras du marécage.

« Est-ce toi, Charlon ? » cria le chasseur entendant l’eau flaquer sous une marche lourde, qui s’arrêta à son interpellation, mais sans que personne répondît. Il appela encore, crut distinguer une ombre immobile au-dessus de l’eau, et, devant l’obscurité croissante, finit par revenir à la Cabane en se demandant ce qui avait pu arriver au garde.