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LE TRÉSOR d’ARLATAN

ment, j’avais mon fiasque plein de rhum qui leur a permis de se remettre en route… Le trésor d’Arlatan se chargera du reste. »

La voix de Naïs gronda, du fond de sa cuisine :

« Arlatan, charlatan. Hou ! le vilain homme.

— Mais puisqu’il les guérit tous, » répondit Charlon sur le ton d’une ancienne dispute de ménage.

Et prenant Danjou à témoin :

« Voyons, monsieur Henri, est-ce qu’elle ne ferait pas mieux, en place de tant de mauvaises raisons, de se laisser guérir ?…

— Tais-toi, Charlon. Je te l’ai dit cent fois, j’aime mieux souffrir, j’aitne mieux mourir que d’aller chez ce malandrin ou de le laisser entrer chez nous… Ses yeux me donnent peur, me pivèlent comme des yeux de serpent. Maintenant, assez de paroles, mon homme, et va vite porter la biasse de M. Henri.

— Mais puisque je suis là, Naïs, je déjeunerai chez vous.

— Oh ! non… non… je vous en prie. »

Ce cri d’effroi de la paysanne était si sincère que Danjou n’insista pas et rentra manger seul à la Cabane, intrigué de cette obstination de Naïs à se cacher de lui, ennuyé surtout de n’avoir pas revu avant sa disparition la délicate figure de Zia, dorée et pâle sous son hennin de piqué blanc.