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ROSE ET NINETTE

faisait Pauline Hulin, dans le demi-jour de la chambre fraîche et reposée, lectures souvent accompagnées et rythmées du voluptueux rauquement de quelque ramier piétant sur le zinc de la fenêtre. Parfois, interrompant la partie ou la page commencée, le malade songeait tout haut, les sourcils froncés : « Enfin, qu’y a-t-il donc ?… Pourquoi ne m’écrivent-elles plus ? » Le souvenir de ses filles le torturait ; mais quelques mots de son amie, de vagues explications qu’elle jetait un peu au hasard, dissipaient vite ses inquiétudes, moins par les prétextes qu’elle inventait que par la caresse de sa voix et de ses yeux au charme correspondant.

Depuis qu’ils se connaissaient, jamais il n’avait été à ce point séduit, envoûté, quoique Pauline ne fît rien pour cela, au contraire dégageant ses mains dès qu’il voulait les prendre, évitant leurs anciennes conversations sur la passion et le mariage, surtout la moindre allusion aux derniers événements, la mort d’Hulin, son voyage, toutes choses dont Régis s’inquiétait sans oser savoir.

Un jour cependant qu’ils étaient seuls, elle en train de broder près de la fenêtre ouverte, penchée à chaque instant sur le jardin que la joie de l’enfant remplissait de galopades et de cris, Fagan de son lit soupira :

« Ah ! ce jardin… Quand je suis revenu de