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ROSE ET NINETTE

pauvre diable, les lèvres gonflées d’émotion… Quel service, si vous saviez… »

Sans achever sa phrase, laissant tomber son masque de gandin, il se mit à pleurer tout haut, la tête dans les poings, comme un gros enfant qu’il était. Soudainement des sonneries de trompe éclatèrent sous les fenêtres.

« Les voilà ! cria le baron sur pied tout de suite et les yeux secs… Vite, habillons-nous. »

Et les jambes fourrées dans le collant de Méphisto, ajustant la petite coiffure dantesque, il murmurait, très sincère :

« Ce vieux Fagan, tout de même, quel bon zig ! »

Mais Fagan ne répondait pas, très occupé d’entrer dans la souquenille mi-partie et le bonnet de fou à grelots prêtés par le baryton Paganetti.

Dans l’ombre et le brouillard du quai s’agitaient de jeunes masques aux couleurs variées, ayant tous le parler veule, l’argot boulevardier de cercle et d’écurie du petit Rouchouze, leur modèle et leur instructeur. Zézayé par l’accent du cru, ce langage faisait l’effet des modes parisiennes ajustées aux femmes de Tahiti.

« Mon ami Rigoletto, dit le baron présentant son invité…

— À la recherche de sa fille, » ajouta Fagan pour dire quelque chose.