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l’ouvrir tout de suite et en plein port de Marseille pour savoir ce qu’il y avait dedans, et qu’en lisant son contenu vous avez reculé devant les responsabilités énormes qui vous incombaient ?

— Vous ne connaissez pas Bompard, monsieur le président. J’en appelle à Tarascon tout entier, ici présent. »

Un silence de tombe accueillit cet effet oratoire. Surnommé « l’Imposteur » par ses concitoyens, qui ne sont pourtant pas très scrupuleux en fait de véracité, Bompard montrait vraiment un fier toupet de les appeler en témoignage ; aussi, Tarascon interrogé ne répondit rien. Lui, sans s’émouvoir :

« Vous voyez, monsieur le juge…, qui ne dit mot consent… » Et, reprenant son récit :

« Pour lors, quand je retrouvai la lettre, Bézuquet, parti depuis des semaines, était trop loin pour que je la lui passe ; je me décidai donc à en prendre connaissance, et vous pensez mon horrible situation » Très horrible aussi était la situation de l’auditoire, qui ne savait toujours pas ce que contenait cette lettre restée sur le bureau du tribunal et dont on parlait tout le temps.

Et chacun de tendre le cou ; mais, de si