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vement de la mer, moutonnante et très lourde, ce qui rendait le tir difficile.

Après quelques coups de feu, dont les gabiers dans les enfléchures annonçaient les résultats, elle n’avait pas encore été touchée, car elle continuait à jouer, à cabrioler au ras de l’eau, et tout le monde regardait, même les Tarasconnais, qui grelottaient là-bas à l’avant, arrosés, trempés, bien plus exposés aux éclaboussures des coups de mer que les gentlemen de l’arrière.

Mêlé aux jeunes officiers, qui essayaient leur adresse, Tartarin jugeait les coups : « Trop loin !… trop court !…

— Si vous tiriez, maî…aître ? » bêla Pascalon.

Aussitôt, d’un geste vif de jeunesse, un midship se tourna vers Tartarin :

« Voulez-vous, monsieur le Gouverneur ? »

Il offrait sa carabine ; et ce fut quelque chose, la façon dont Tartarin prit l’arme, la soupesa, l’épaula, tandis que Pascalon demandait, fier et timide :

« Combien comptez-vous pour la baleine ?

— Je n’ai pas souvent tiré ce gibier-là, répondit le héros, mais il me semble qu’on peut compter dix. »