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« Qu’on l’emporte !… » dit Tartarin aux miliciens qui l’avaient amené, et se tournant vers l’officier, resté raide, impassible, pendant cette scène de famille :

« En tous cas, monsieur, ma bonne foi est indiscutable.

— Les tribunaux anglais en décideront…, répondit l’autre du haut de sa morgue. Dès ce moment vous êtes mon prisonnier. Quant aux habitants, il faut que dans les vingt quatre heures ils aient évacué l’île, sinon nous les passerons par les armes.

— Outre !… Passer par les armes ! s’exclama Tartarin, mais d’abord comment voulez-vous qu’ils évacuent ? Nous n’avons pas de bateau. À moins qu’ils ne se sauvent à la nage… »

On finit par faire entendre raison à l’Anglais, qui consentit à prendre les colons à son bord jusqu’à Gibraltar, à condition que toutes les armes seraient rendues, même les fusils de chasse, les revolvers et le winchester à trente-deux coups.

Après quoi, il s’en retourna déjeuner sur sa frégate, laissant un poste en armes pour garder le Gouverneur.

C’était aussi l’heure de se mettre à table