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Tartarin, dont on sait la patience et la bonté, était loin d’ignorer ces attaques. Le soir, lorsqu’il fumait sa pipe accoudé à la fenêtre ouverte, parmi les bruits nocturnes, mêlés aux murmures du Petit-Rhône et de tous les ruisselets formés par les averses sur les pentes, il distinguait de lointaines discussions, des échos de voix furieuses, il voyait à travers l’air brouillé d’eau les lumières tremblotantes courir derrière les vitres de la grande maison ; et à l’idée que tout ce train était causé par Costecalde, sa main frémissait sur la barre d’appui, ses yeux crachaient de la flamme dans l’ombre mais comme, après tout, ces émotions, jointes à l’humidité de l’air, pouvaient lui faire prendre le mal, il se maîtrisait, refermait la fenêtre et allait tranquillement se coucher.

Les choses pourtant s’envenimèrent au point qu’il se décida à un grand parti, cassa aux gages Costecalde et ses deux séides, enleva même au directeur son manteau de première classe, nommant à sa place Beaumevieille, ancien horloger, pas plus fort peut-être en culture que son prédécesseur, mais à coup sûr très honnête homme, et