Page:Daudet - Port-Tarascon, 1890.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le lieutenant Excourbaniès. Cette idée lui venait de vagues apparences de croix, faites de branches entrelacées, maintenant reverdies, retournées à la nature, et prenant des formes de ceps de vigne sauvage. En tous cas un cimetière déménagé, car il n’y restait plus trace d’ossements.

Après une pénible escalade à travers d’épais fourrés, ils arrivèrent enfin sur la hauteur. On y respirait un air plus sain, renouvelé par la brise et tout chargé des senteurs marines. Au loin s’étendait une grande lande après laquelle les terrains redescendaient insensiblement vers la mer. La ville devait être par là.

Un milicien, le doigt tendu, montra des fumées qui montaient, pendant qu’Excourbaniès criait d’un ton joyeux : « Écoutez…, les tambourins…, la farandole ! »

Il n’y avait pas à s’y tromper, c’était bien la vibration sautillante d’un air de farandole. Port-Tarascon venait au-devant d’eux.

On voyait déjà les gens de la ville, une foule émergeant là-bas des pentes, à l’extrémité du plateau.

« Halte ! dit subitement Bravida, on dirait des sauvages. »