Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/330

Cette page n’a pas encore été corrigée

pluie qui le calma bien mieux que les plus beaux raisonnements.

« Té mais je suis trempé… »

Il courut à la station de voitures de la rue d’Amsterdam, et, dans l’encombrement que font à ce quartier les arrivages perpétuels de la gare, se heurta au plastron raide et sanglé du général marquis d’Espaillon.

— Bravo, mon cher collègue… je n’étais pas à la séance, mais on m’a dit que vous aviez chargé comme un b… à fond et dans le tas !

Sous son parapluie qu’il tenait droit comme une latte, il avait, le vieux, un diable d’œil allumé et la barbiche en croc d’un soir de bonne fortune.

— N… d… D…, ajouta-t-il en se penchant vers l’oreille de Numa d’un ton de confidence gaillarde, vous pouvez vous vanter de connaître les femmes, vous.

Et comme l’autre le regardait, croyant à une ironie.

— Eh ! oui, vous savez bien, notre discussion sur l’amour… C’est vous qui aviez raison… Il n’y a pas que les godelureaux pour plaire aux belles… J’en ai une en ce moment… Jamais gobé comme ça… F… n… d… D… Pas même à vingt-cinq ans, en sortant de l’École…

Roumestan qui écoutait, la main sur la portière de son fiacre, crut sourire au vieux passionné et n’ébaucha qu’une horrible grimace. Ses théories sur les femmes se trouvaient si singulièrement bouleversées… La gloire, le génie, allons donc ! ce n’est pas là qu’elles vous regardent… Il se sentait