Page:Daudet - Numa Roumestan, Charpentier, 1881.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

petite et Bompard n’en perdait pas un millimètre, réduit à installer son cabinet de toilette dans le corridor. Son ami le trouva couché sur un petit lit de fer, le front orné d’une coiffure écarlate, une sorte de capulet dantesque qui se hérissa d’étonnement à la vue de l’illustre visiteur.

« Pas possible !

— Est-ce que tu es malade ? demande Roumestan.

— Malade ! … Jamais.

— Alors qu’est-ce que tu fais là ?

— Tu vois, je me résume… »

Il ajouta pour expliquer sa pensée :

« J’ai tant de projets en tête, tant d’inventions. Par moment, je me disperse, je m’égare… Ce n’est pas qu’au lit que je me retrouve un peu. »

Roumestan cherchait une chaise ; mais il n’y en avait qu’une, servant de table de nuit, chargée de livres, de journaux, avec un bougeoir branlant dessus. Il s’assit au pied du lit.

— Pourquoi ne t’a-t-on plus vu ?

— Mais tu badines… Après ce qui est arrivé, je ne pouvais plus me retrouver avec ta femme. Juge un peu ! J’étais là devant elle, ma brandade à la main… Il m’a fallu un fier sang-froid pour ne pas tout lâcher.

— Rosalie n’est plus au ministère… fit Numa consterné.

— Ça ne s’est donc pas arrangé ?… tu m’étonnes.

Il ne lui semblait pas possible que madame Numa, une personne de tant de bons sens… Car enfin qu’est-ce que c’était que tout ça ? « Une foutaise, allons ! »