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comme un rivage qu’on regrette. Puis, après des années mornes, sous la neige froide de son cœur le renouveau avait germé lentement, et voici qu’il refleurissait dans ce tout petit qui allait naître, qu’elle sentait déjà vigoureux aux terribles petits coups de pied qu’il lui envoyait la nuit. Et son Numa si changé, si bon, guéri de ses brutales violences ! Il y avait bien encore en lui des faiblesses qu’elle n’aimait pas, de ces détours italiens dont il ne pouvait se défendre mais « ça, c’est la politique… » comme il disait. D’ailleurs, elle n’en était plus aux illusions des premiers jours ; elle savait que pour vivre heureux il faut se contenter de l’à peu près de toutes choses, se tailler des bonheurs pleins dans les demi-bonheurs que l’existence nous donne…

On frappa de nouveau à la porte. M. Méjean, qui voulait parler à Madame.

— Bien… j’y vais…

Elle le rejoignit dans le petit salon qu’il arpentait de long en large, très ému.

— J’ai une confession à vous faire, dit-il sur le ton de familiarité un peu brusque qu’autorisait une amitié déjà ancienne, dont il n’avait pas tenu à eux de faire un lien fraternel… Voilà quelques jours que j’ai terminé cette misérable affaire… Je ne vous le disais pas pour garder ceci plus longtemps…

Il lui tendit le portrait d’Hortense.

— Enfin !… Oh ! qu’elle va être heureuse, pauvre chérie…

Elle s’attendrit devant la jolie figure de sa sœur étincelant