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Mèfre resplendissant aux approches de Noël de richesses gourmandes et ensoleillées, au milieu d’accents et de parfums connus. C’était la patrie brusquement retrouvée, le retour au pays après un an d’exil, d’épreuves, de luttes lointaines chez les Barbares. Une tiédeur l’envahissait, détendait ses nerfs, à mesure qu’elle émiettait sa banquette dans un doigt de Carthagène, répondant à tout ce brave monde à l’aise et familier avec elle comme si on la connaissait depuis vingt ans. Elle se sentait rentrée dans sa vie, dans ses habitudes ; et des larmes lui en montaient aux yeux, ces yeux durs veinés de feu qui ne pleuraient jamais.

Le nom de Roumestan prononcé à son côté sécha tout à coup cette émotion. C’était madame Mèfre qui inspectait les adresses de ses envois et recommandait bien de ne pas se tromper, de ne pas porter la brandade de Numa, rue de Grenelle, mais rue de Londres.

— Paraît que rue de Grenelle, la brandade n’est pas en odeur de saïnteté, remarqua l’un des produits.

— Je crois bien, dit M. Mèfre… Une dame du Nord, tout ce qu’il y a de plus Nord… Cuisine au beurre, allons !… tandis que rue de Londres, c’est le joli Midi, gaieté, chansons, et tout à l’huile… Je comprends que Numa s’y trouve mieux.

On en parlait légèrement de ce second ménage du ministre dans un petit pied-à-terre très commode, tout près de la gare, où il pouvait se reposer des fatigues de la Chambre, libre des réceptions et des grands tralalas. Bien sûr que l’exaltée madame