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« Avise-toi, pichote… tu nous feras arriver quelque malheur.

— Pas plus !… C’est à eux que nous en ferons des peines… Je vais consulter Guilloche. »

Guilloche, contentieux.

Derrière cette carte jaunie, piquée sur la porte en face de la leur, il y avait un de ces terribles agents d’affaires dont tout le matériel d’installation consiste en une énorme serviette en cuir, contenant des dossiers d’histoires véreuses, du papier blanc pour les dénonciations et les lettres de chantage, des croûtes de pâté, une fausse barbe et même quelquefois un marteau pour assommer les laitières, comme on l’a vu dans un procès récent. Ce type, très fréquent à Paris, ne mériterait pas une ligne de portrait si ledit Guilloche, un nom qui valait un signalement sur cette face couturée de mille petites rides symétriques, n’eût ajouté à sa profession un détail tout neuf et caractéristique. Guilloche avait l’entreprise des pensums de lycéens. Un pauvre diable de clerc s’en allait ramasser les punitions à la sortie des classes et veillait bien avant dans la nuit à copier des chants de l’Énéide ou les trois voix de γὖω. Quand le contentieux manquait, Guilloche, qui était bachelier, s’attelait lui-même à ce travail original dont il tirait des bénéfices.

Mis au courant de l’affaire, il la déclara excellente. On assignerait le ministre, on ferait marcher les journaux ; le portrait à lui seul valait une mine d’or. Seulement, c’était du temps, des courses, des avances qu’il exigeait en espèces sonnantes, l’héritage Puyfourcat