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— Oh ! fit Audiberte, extasiée.

La farandole rangée des deux côtés de la scène devant les cigales aux grandes ailes, le troubadour, seul au milieu, salua, assuré et vainqueur, sous le regard du Père Éternel qui poudrait sa veste d’un givre lumineux. L’aubade commença, rustique et grêle, dépassant à peine la rampe, y brûlant un court essor, se débattant un moment aux oriflammes du plafond, aux piliers de l’immense vaisseau, pour retomber enfin dans un silence d’ennui. Le public regardait sans comprendre. Valmajour recommença un autre morceau, accueilli dès les premières mesures par des rires, des murmures, des apostrophes. Audiberte prit la main d’Hortense :

— C’est la cabale…, attention !

La cabale ici se résuma par quelques « Chut !… plus haut !… » des plaisanteries comme celle-ci, que criait une voix enrouée de fille à la mimique compliquée de Valmajour :

— As-tu fini, lapin savant ?

Puis le skating reprit son train de roulettes, de billards anglais, son piétinant trafic couvrant flûtet et tambourin que le musicien s’entêtait à manœuvrer jusqu’à la fin de l’aubade. Après quoi, il salua, s’avança vers la rampe, toujours suivi par la lueur occulte qui ne le quittait pas. On vit ses lèvres remuer, esquisser quelques mots :

« Ce m’est vénu… un trou… trois trous… L’oiso du bon Dieu… »

Son geste désespéré, compris par l’orchestre, fut le signal d’un ballet où les cigales s’enlacèrent aux houris cauchoises pour des poses plastiques, des