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soie collante de leur maillot vert-émeraude, s’élancèrent agitant de longues ailes membranées et des crécelles grinçantes.

— Ça, des cigales !… pas plus !… dit la Provençale indignée.

Mais déjà elles s’étaient rangées en demi-cercle, en croissant d’aigue-marine, secouant toujours leurs crécelles très distinctes maintenant, car le tapage du skating s’apaisait, et le bourdonnement circulaire s’était une minute arrêté dans un fouillis de têtes serrées, penchées, regardant sous des coiffures de toute sorte. La tristesse qui navrait Hortense s’accrut encore, quand elle écouta venir, lointain d’abord, s’enflant à mesure, le sourd ronflement du tambourin.

Elle aurait voulu fuir, ne pas voir ce qui allait entrer. Le flûtet égrenait à son tour ses notes menues ; et, secouant sous la cadence de ses pas la poussière du tapis couleur de terrain, la farandole se déroulait avec des fantaisies de costume, jupons voyants et courts, bas rouges à coins d’or, vestes pailletées, coiffures sequins, de madras, aux formes italiennes, bretonnes ou cauchoises, d’un beau mépris parisien pour la vérité locale. Derrière, venait à pas comptés, repoussant du genou un tambourin couvert de papier d’or, le grand troubadour des affiches, en collant mi-parti, une jambe jaune chaussée de bleue, une jambe bleue chaussée de jaune, et la veste de satin à bouffettes, la toque en velours crénelé ombrageant une face restée brune en dépit du fard et dont on ne voyait bien qu’une moustache raidie de pommade hongroise.