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Valmajour, hébété, se laissait faire, bégayant « Va bien… va bien… » implorant la figure apitoyée de Méjean, le seul que la colère du maître n’eût pas mis en fuite, et le grand portrait de Fontanes qui semblait scandalisé de violences pareilles, accentuant son air ministre à mesure que Roumestan le perdait davantage. Enfin, lâché par le poignet robuste qui l’étreignait, le musicien put gagner la porte, s’enfuir éperdu, lui et ses billets de skating.

« Cabantous pilote !… dit Numa lisant le nom que lui présentait l’huissier impassible… Encore un Valmajour !… Ah ! mais non… J’en ai assez d’être leur dupe… Fini pour aujourd’hui… Je n’y suis plus… »

Il continuait à arpenter son cabinet, dissipant ce qui lui restait de cette grande colère dont Valmajour avait injustement porté tout le choc. Ce Cadaillac, quelle impudence ! Venir lui reprocher la petite, chez lui, en plein ministère, devant Méjean, devant Rochemaure !

« Ah ! décidément je suis trop faible… La nomination de cet homme à l’Opéra est une lourde faute. »

Son chef de cabinet partageait cet avis, mais il se serait bien gardé de le dire ; car Numa n’était plus le bon enfant d’autrefois, qui riait le premier de ses emballements, acceptait les railleries et les remontrances. Devenu le chef effectif du cabinet, grâce au discours de Chambéry et à quelques autres prouesses oratoires, l’ivresse des hauteurs, cette atmosphère de roi où les plus fortes têtes