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Tcherkesse avait dû donner aux gens de l’hôtel une triste idée de son équilibre car de larges plaques de poussière souillaient ses manches et son dos.

« Mauvais cheval, dit-il en saluant ces dames, pendant que le panier s’ébranlait, mauvais cheval, mais je l’ai mis au pas. »

Si bien au pas que maintenant l’étrange bête ne voulait plus avancer, piétinant et tournant sur place comme un chat malade, malgré les efforts de son cavalier. La voiture était déjà loin.

« Viens-tu, Bompard ?…

— Partez devant… Je rejoindrai… » cria-t-il encore de son plus beau creux marseillais ; puis il eut un geste désespéré et on le vit détaler du côté d’Arvillard dans une volée de sabots furieux. Tout le monde pensa : « Il aura oublié quelque chose », et on ne s’occupa plus de lui.

La route contournait les hauteurs, large route de France, espacée de noyers, ayant à gauche des forêts de châtaigniers et de pins, en terrasses ; à droite des pentes immenses, déroulant à perte de vue, jusqu’au fond où les villages apparaissaient resserrés dans les creux, des champs de vigne, de blé, de maïs, des mûriers, des amandiers, et d’éblouissants tapis de genêts dont la graine éclatant à la chaleur faisait un pétillement continu, comme si le sol même grésillait tout en feu. On aurait pu le croire à la lourdeur du temps, à cet embrasement de l’atmosphère qui ne paraissait pas venir du soleil, presque invisible, reculé derrière une gaze, mais de vapeurs terrestres et brûlantes faisant trouver délicieusement fraîche la vue du Glayzin