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— Avec ces jeunes gens ?… mais c’est impossible… Vous n’y songez pas ?…

— Ces jeunes gens ?… Je m’en moque pas mal de ces jeunes gens… Je les lâche… Maman va les prévenir… Oh ! ils y sont habitués… tu entends, maman ?

— J’y vas, dit madame Bachellery qu’on apercevait dans la chambre à côté, le pied sur une chaise, s’efforçant de chausser ses bas rouges de bottines de coutil trop étroites. Elle fit au ministre sa belle révérence des Folies-Bordelaises et descendit bien vite expédier ces messieurs.

— Garde un cheval pour Bompard… Il viendra avec nous, lui cria la petite ; et Numa, touché de cette attention, savoura la joie délicieuse d’écouter, avec cette jolie fille entre ses bras, s’éloigner au pas, l’oreille basse, toute la fringante jeunesse dont les caracolades lui avaient tant de fois piétiné le cœur. Un baiser longuement appuyé sur un sourire qui promettait tout, puis elle se dégagea :

— Allez vite vous habiller… Il me tarde d’être en route…

Quelle rumeur curieuse dans l’hôtel, quel mouvement derrière les persiennes quand on sut que le ministre était de la partie de Château-Bayard, qu’on vit son large gilet blanc, le panama ombrant sa face romaine, s’étaler dans le panier en face de la chanteuse. Après tout, comme disait le père Olivieri très aguerri par ses voyages, quel mal y avait-il à cela, est-ce que la mère ne les accompagnait pas, et le Château-Bayard, monument historique, rentrait-il oui ou non dans les attributions ministérielles ?