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et son attaché, le voir faire la partie de boule, chère aux Méridionaux, avec le père Olivieri des Missions, saint homme terriblement velu, qui à force de vivre chez les sauvages avait pris de leurs façons d’être, poussait des cris formidables en pointant et pour tirer brandissait les boules au-dessus de sa tête en tomahawk.

La belle figure du ministre, la rondeur de ses manières lui gagnèrent les cœurs et surtout sa sympathie pour les humbles. Le lendemain de son arrivée, les deux garçons qui servaient le premier étage annoncèrent à l’office que le ministre les emmenait à Paris pour son service personnel. Comme c’étaient de bons serviteurs, madame Laugeron fit la grimace, mais n’en laissa rien voir à l’Excellence, dont le séjour valait tant d’honneur à son hôtel. Le préfet, le recteur arrivaient de Grenoble, en tenue, présenter leurs hommages à Roumestan. L’Abbé de la Grande-Chartreuse, – il avait plaidé pour eux contre les Prémontrés et leur élixir, – lui envoyait en grande pompe une caisse de liqueur extrafine. Enfin le préfet de Chambéry venait prendre ses ordres pour la cérémonie de la première pierre à poser au lycée neuf, l’occasion d’un discours manifeste et d’une révolution dans les mœurs de l’Université. Mais le ministre demandait un peu de répit ; les travaux de la session l’avaient fatigué, il voulait reprendre haleine, s’apaiser au milieu des siens, préparer à loisir ce discours de Chambéry, d’une portée si considérable. Et M. le préfet comprenait bien cela, demandant seulement d’être prévenu quarante-