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« C’est ce qui faut ! C’est ce qui faut ! »

On n’entend que cela dans le bredouillement de ce drôle de petit homme, vaniteux, bavard, qui tourbillonne le matin dans notre chambre. « Docteur, je ne dors pas… Je crois que le traitement m’agite. – C’est ce qui faut ! – Docteur, j’ai toujours sommeil… je crois que ce sont les eaux. – C’est ce qui faut » Ce qu’il faut surtout, c’est que sa tournée soit vite faite, pour qu’il puisse être avant dix heures à son cabinet de consultation, dans cette petite boîte à mouches où le monde s’entasse jusque dans l’escalier, jusque sur le trottoir, en bas des marches. Aussi il ne flâne guère, vous bâcle une ordonnance sans s’arrêter de sauter, de cabrioler, comme un baigneur qui « fait sa réaction ».

Oh ! la réaction. C’est ça encore une affaire. Moi qui ne prends ni bains ni douches, je ne fais pas de réaction mais je reste quelquefois un quart d’heure sous les tilleuls du parc à regarder le va-et-vient de tous ces gens marchant à grands pas réguliers, l’air absorbé, se croisant sans se dire un mot. Mon vieux monsieur de la salle d’inhalation, celui qui fait de l’œil à la source, apporte à cet exercice la même conscience ponctuelle. À l’entrée de l’allée il s’arrête, ferme son ombrelle blanche, rabaisse son collet d’habit, regarde sa montre, et en route, la jambe raide, les coudes au corps, une deux ! une deux ! jusqu’à une grande barre de lumière blonde que le manque d’un arbre jette en clairière dans l’allée. Il ne va pas plus loin, lève les bras trois fois comme s’il tendait des haltères, puis revient de la