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pompon, sans que nous y soyons pour rien, dame ! Tu sais comme est maman, toujours modeste, effarouchée ; elle a bien défendu à Fanny de dire qui nous étions, parce que la position de notre père, celle de ton mari auraient attiré autour de nous trop de curiosité et de poussière mondaine. Le journal a dit simplement : Mesdames Le Quesnoy (de Paris) … Alpes Dauphinoises, et comme les Parisiens sont rares, notre incognito n’a pas été révélé.

Nous avons une installation très simple, assez commode, deux chambres au second, toute la vallée devant nous, un cirque de montagnes noires de sapins au pied, et qui se nuancent, s’éclaircissent en montant avec des traînées de neige éternelle, des pentes arides en regard de petites cultures qui font comme des carrés de vert, de jaune, de rose, au milieu desquels les meules de foin ne paraissent pas plus grosses que des ruches d’abeilles. Mais ce bel horizon ne nous tient guère chez nous.

Le soir, on a le salon, le jour, on erre dans le parc pour le traitement qui, joint à cette existence si remplie et si vide, vous prend et vous absorbe. L’heure amusante, c’est après déjeuner, quand on se groupe par petites tables pour le café, sous les grands tilleuls, à l’entrée du jardin. C’est l’heure des arrivées et des départs ; autour de la voiture qui emporte les baigneurs, on échange des adieux, des poignées de main, les gens de l’hôtel se pressent, éclairés du luisant, du fameux luisant savoyard. On embrasse des personnes qu’on connaît à peine, les mouchoirs s’agitent, les grelots tintent,