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à côté, l’enfant bien chétive, avec tous les traits de sa mère et peut-être aussi tout son mal. Elle s’ennuie, cette petite de huit ans, à qui il est défendu de jouer avec les autres enfants, et qui regarde tristement, du balcon, les parties de crocket et les cavalcades de l’hôtel. On la trouve de sang trop bleu pour ces ébats roturiers, ils aiment mieux la garder dans l’atmosphère lugubre de cette mère expirante, près de ce père qui promène sa malade avec une tête rogue et excédée, ou l’abandonner aux domestiques. Mais, mon Dieu, c’est donc une peste, un mal qui se gagne, la noblesse ! Ces gens-là mangent à part dans un petit salon, inhalent à part, – car il y a des salles pour famille, – et te figures-tu la tristesse de ce tête-à-tête, cette femme et cette enfant dans un grand caveau silencieux.

L’autre soir, nous étions très nombreux au grand salon du rez-de-chaussée où l’on se réunit pour jouer à des petits jeux, chanter, danser même quelquefois. La maman Bachellery venait d’accompagner à Bébé une cavatine d’opéra, – nous voulons entrer à l’Opéra, nous sommes même venues à Arvillard nous « récurer la voix pour ça », selon l’élégante expression de la mère. Tout à coup la porte s’ouvre, et la princesse paraît, avec ce grand air qu’elle a, expirante, élégante, serrée dans un manteau de dentelle qui dissimule le rétrécissement terrible et significatif des épaules. L’enfant et le mari suivaient.

— Continuez, je vous en prie… toussote la pauvre femme.

Et voilà cette bête de petite chanteuse qui va